Mon ressenti

11/04/2020

En France, à ce jour, nous sommes libres de dire que nous souhaitons la suppression des contrôles car nous les jugeons violents et inutiles. Nous pouvons rester avec nos enfants lors de l'inspection. Nous pouvons intervenir auprès d'eux s'ils ne savent pas comment se faire entendre, si la contrainte, l'insistance de l'adulte devient trop forte pour eux. Et je pense qu'il est plus facile de le faire quand le cadre familial est posé en amont.


Les victoires.

Je suis persuadée que nos courriers ont eu un impact significatif sur la manière dont s'est déroulé notre contrôle. Je n'ai jamais entendu de récit d'inspection ressemblant au nôtre. Quand l'inspectrice et le conseiller pédagogique sont partis, la première réaction fut: wahouuu tapis rouge! Nous avions vraiment, Erick et moi, cette sensation d'avoir été traité différemment de tout ce qui s'est fait jusqu'à présent et dont nous avions entendu parler: "comment souhaitez-vous que ça se passe?", aucune demande pour que les enfants soient séparés de nous, un discours très préparé pour rester dans le cadre, assez peu d'insistance pour que les enfants fassent ce qui été demandé.

Je suis satisfaite et fière d'avoir réussi à exprimer mon point de vue dans les courriers et lors de la rencontre. J'ai pu sentir à quel point ma relation aux symboles d'autorité a évolué. Je ne me sens pas complétement détendue en y pensant, mais je vois clairement qu'en un an le ressenti est vraiment différent: ni dans l'opposition systématique, ni dans la soumission... c'est une espèce de flou artistique pour le moment, une sensation mouvante au niveau du cœur, passant d'une tension à une détente assez rapidement.

De manière globale l'échange a été très cordial. Notez qu'il m'est impossible de parler de respect… Pour moi, le respect et la confiance s'établissent dans le consentement. C'est à dire dans la possibilité pour l'une ou l'autre des parties de dire non. Ici, nous ne pouvions pas dire non, sans risquer une injonction de scolarisation (c'est à dire imposer aux enfants d'aller à l'école sans leur consentement), sans oublier les menaces d'amendes et de prison maintes fois mentionnées dans les courriers. 

J'ai constaté que l'inspectrice et le conseiller pédagogique n'étaient pas très à l'aise dans leur rôle. La tension était visible: tremblements des mains, rougeurs, difficultés à formuler les questions aux enfants. Je regrette de ne pas avoir questionné cela avec eux. 

J'étais très (trop?) centrée sur la manière dont ils allaient aborder les choses avec les enfants. C'était important pour moi que mes enfants soient entendus dans leurs souhaits, et je n'ai absolument pas eu besoin d'intervenir. D'une part, Ndollo et Soham savent parfaitement faire savoir ce avec quoi ils sont d'accord ou non (même lorsque l'adulte exprime une demande à plusieurs reprises sous diverses formes), et d'autre part, je crois que nos interlocuteurs avaient conscience que nous étions prêts à bondir: ils ont fait très attention à tout ce qu'ils disaient.

Il n'a jamais été question de séparer les enfants des parents, il n'y a pas eu non plus de discussion croisée. Le message des courriers était clair et sur ce sujet il a été entendu. Nous savons que dans toutes les familles de notre secteur (et je crois qu'on peut dire que c'est la norme partout ailleurs), il y a habituellement d'un coté les parents avec l'inspectrice et de l'autre les enfants avec les conseillers pédagogiques. Nous avions décidé de rester ensemble du début à la fin et c'est ce qui s'est passé.

Les déceptions.

De mon point de vue, ils n'ont rien compris à notre démarche, aussi bien autour des apprentissages autonomes qu'ils qualifient de pédagogie active, que sur le bienfondé de notre demande de suppression des contrôles. C'était comme si deux entités se faisaient face sans jamais se rencontrer, sans jamais laisser tomber les objectifs. Ce qui est le plus inconfortable pour moi ce n'est pas qu'ils semblent ne pas comprendre, c'est plutôt le manque de curiosité. Comment est-ce possible de ne pas s'interroger sur ces sujets lorsque l'on prétend être concerné, intéressé par l'éducation, par le bien-être des enfants. Pourquoi ne pas chercher à approfondir avec des personnes disposées à l'échange? Il était plus important pour eux de "faire le job", de poser des questions sur les acquis scolaires. Pour le reste, les parents peuvent bien dire ce qu'ils veulent c'est de toute façon nous qui auront le dernier mot, la signature sur le rapport d'inspection.

J'ai été touchée lorsque le conseiller pédagogique (ex professeur des écoles) nous a expliqué à quel point il avait à cœur de créer des situations de tests pour les enfants (dans sa classe) qui soient les plus pertinentes possible pour évaluer tel ou tel élément. Il semblait vraiment sincère et concerné... mais incapable de remettre en cause le principe même d'évaluation contrainte. Ce principe est tellement ancré dans nos modes de pensée qu'il devient impossible pour la grande majorité, même des gens intelligents hein, qui ont fait des études (rires!!), de le remettre en question sérieusement.

Il semble important pour nos interlocuteurs de faire évoluer les pratiques dans les écoles de leur secteur: notation plus souple, droit à l'erreur... Je leur ai offert ma participation autour de ces réflexions, proposer de s'appuyer sur l'expérience de familles qui vivent des choses différentes et qui pourraient apporter un regard neuf. Mais il était l'heure de terminer l'entretien. 


Synthèse.

Dans les jours qui ont suivi, je ne me sentais pas très bien avec "tout ça", il y avait de la tristesse quelque chose comme ça. L'impression de ne pas être allée au bout. Cette sensation désagréable d'être soumise à un examen inutile. Et puis le temps a fait son œuvre. Il y a même des moments quand j'y repense où j'éclate de rire, je vois à quel point tout ce cinéma est ridicule. Je sais que les temps à venir me réservent encore bien d'autres éclats de rire. 

N'ayons pas peur de faire face à nos peurs. N'ayons pas peur de confronter notre vision à la vision dominante, prenons au moins la responsabilité du déroulé de ces inspections. Et en même temps, faites comme vous le sentez pour vous et pour votre famille. Nous sommes ce que nous sommes dans toutes les facettes de notre humanité, des plus sombres aux plus lumineuses. Et ça vaut également pour nos partenaires/adversaires de jeu. 

Actuellement, nous réfléchissons à notre positionnement, aux actions à mener dans  les mois, les années à venir. Nous explorons encore le champ des possibles. Bon ce qui me vient là, en attendant notre rapport d'inspection, c'est d'en écrire un sur nos inspecteurs, qui nous servira de base pour quantifier, qualifier leur évolution. Rires. Nous ferons différemment, c'est certain. A suivre...


    

© magalicarrière
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer